Les bureaucrates contre les habitants du quartier Vieux Lévis : Dialogue de sourds !
J’ai eu le privilège de participer à l’audience devant la Commission Municipale du Québec concernant la conformité de certains règlements à l’égard du schéma d’aménagement et de développement révisé, et du plan d’urbanisme de la Ville de Lévis.
Christine Belley et Luc Lafontaine représentaient le Comité de Quartier du Vieux Lévis. C’est avec ardeur et conviction qu’ils ont préparé leur présentation les jours précédents l’audience. Le jour venu, Christine, notre porte-parole, a présenté clairement son argumentaire sans se laisser impressionner par les professionnels réquisitionnés par la Ville de Lévis assis en face d’elle. La deuxième partie de l’audience a été consacrée au procureur, Me Laurin, représentant la Ville de Lévis.
Ce fût un dialogue de sourds; tandis que Christine parlait d’intégration harmonieuse, de respect du patrimoine, de qualité de vie, le procureur qui faisait parler ses témoins (3 professionnels du service de l’urbanisme de la Ville de Lévis) y allait de bon cœur en jonglant avec une multitude de règlements et de lois. Au centre trônait, Mme Nancy Lavoie, juge administrative, qui recevait à la volée les numéros de références aux règlements cités et qui tentait du mieux qu’elle pouvait de refaire surface parmi tous les cartables et cartes étalées sur sa table. «…Le numéro 4 de la section 6 du cartable noir, non l’autre avec les cartes… » Mais, elle suivait, enfin, c’est ce qu’elle disait !
Les parties étaient bien campées dans leurs couleurs respectives : objectifs, rationnels, froids, d’un côté. À entendre le procureur et ses témoins, Lévis était devenue une suite de codes composés de lettres et des chiffres. On parlait d’uniformité, de conformité, de PPCMOI (non, c’est pas moi). Mais où est donc passé l’humain dans tout ça ? Y a-t-il des gens qui vivent là ?
C’était ce que l’autre partie tentait de faire entendre. Qu’advient-il des citoyens de la belle Ville de Lévis qui craignent de voir leur qualité de vie se dégrader ? Des marges latérales et de recul arrière à zéro pour les nouvelles constructions : C’est pas grave qu’on nous répond, ça touche seulement 7 arrondissements sur 45. L’impact du nouveau plan d’urbanisme est négligeable ! Oui, mais ceux qui vivent là ? Que penser des entrepreneurs avides, mais pas bêtes, qui envisagent de construire des condominiums dont les balcons seront à zéro mètre de distance des fenêtres des propriétaires installés là depuis des dizaines d’années ? C’est pas grave, ces nouvelles mesures (marges à zéro) ne concernent que 7 quartiers sur 45, y a rien là ! Nous prend-t-on pour des sujets sacrificiels ?
Et puis, la zone M2170 (côte du passage, rue St-Louis) dont a tant parlé Christine dans son argumentaire, c’est une zone si petite, si petite… (Avec plan en couleur projeté sur le grand écran pour faire la démonstration de sa petitesse). Pourquoi en faire tout un plat !
Et les arbres ? Où va-t-on planter les arbres (un arbre au 200 m2 qu’a prévu le jeune professionnel en urbanisme, Noël Pelletier) quand les plans de construction du condominium (qui est supposé remplacer la maison rouge du 32-35 côte du passage) indiquent un bâtiment dessiné de bord en bord des limites du terrain ? Pas de réponse, question embêtante, c’était une colle ! Moi, je propose qu’on plante l’arbre sur le toit du nouvel édifice, on y mettra tout autour les 30 % de verdure afin de respecter le règlement. Ça fera un toit vert !
Pour finir en beauté, Me Laurin, dans son plaidoyer a conclu que nous étions venus lancer un cri du cœur, alors que ce n’était pas la place. Ici, on ne parle que de choses sérieuses, Madame, on parle de conformité.
Sylvie Gaillard, une résidente de la côte du passage, qui aime son milieu de vie.
Je serais porté à donner raison à Me Laurin, mais voilà que je me rends compte que depuis le tout début, il n’y a eu aucun moment, aucune instance, aucune tribune, aucun espace civique de la part de la Ville de Lévis ni d’aucun de ses organes pour recevoir justement le cri du coeur de ses citoyens et l’écouter, le prendre en compte réellement et l’inclure dans une réflexion sur l’avenir des bâtiments ciblés par la démolition (et pourquoi pas, sur une réelle réflexion sur l’avenir des vieux quartiers à Lévis). Le comité de démolition suivait près de 20 critères parmi lesquels aucun ne ressemblait à: « opinion des citoyens résidants du quartiers et du voisinage quant à la destruction de maisons dans leur rue qui seront remplacées par des constructions qui n’ont rien à voir avec leur environnement architectural actuel – quoiqu’en prétendent les savants architectes qui nous prennent pour des aveugles dénués de bon goût qui lui n’appartient qu’à ceux qui ont des diplômes en urbanisme/architecture et beaucoup de fric ».
Je réfléchis et je me rends compte que le comité de démolition, le conseil de ville et toutes les instances qui sont intervenues depuis le début dans ce dossier ont eu beaucoup de patience envers nous, pauvres imbéciles de citoyens, puisqu’ils n’avaient pas à se soucier réellement de ce que nous pensions, voulions, aimions et désirions comme milieu de vie. Rien n’est prévu dans les chartes, les règlements, la loi, les procédures et autres alinéas-point-point-tiret pour accueillir le vox populi ET en tenir compte. D’où notre stupide entêtement n’est-ce pas à répéter sur toutes ces tribunes un même et simple message humain: on aime notre quartier avec ses vieilles maisons parce qu’on aime, justement, vivre dans un quartier avec de vieilles maisons dedans, lieu qu’on appelle ailleurs (comme de l’autre côté du fleuve, tiens…) un quartier patrimonial, historique, ou tout simplement, un Vieux-Quartier.
Ici, nous auront le Nouvo-Lévi (oui oui, le Nouvo-Lévi) à 4 étages et plus en béton déguisé en style genre faux vieux bâti avec stationnement souterrain et occupation double-triple-quadruple de ce qui reste de verdure et de cube d’air frais dans notre quartier.
Bye bye les citoyens qui aiment les vieilleries et les patrimonieux rétrogrades, exit les amants des beaux vieux quartiers AUTHENTIQUES, ciao! les petits résidants locataires peu payants et bienvenu les urbains modernes densifiants dortoiristes et qui aiment une ville bien normée, lisse, propre, commode, et surtout, surtout, bien homogène. Croyez-vous vraiment que ces nouvo-venus ferons vivre notre quartier? Pas sûr… mais ils auront une vue, ça oui. Une vue sur… le VIEUX-Québec (le vieux, c’est beau de loin, mais pas chez nous, hein?).
Voilà pourquoi il y a le CQVL mesdames et messieurs de la ville de Lévis. Voilà pourquoi ce comité ne va pas s’éteindre. Voilà pourquoi, à force de nous écouter avec une patiente politesse, vous engendrez des regroupements citoyens comme le CQVL, et pourquoi, reconnaissez-le, plusieurs projets de développement à Lévis se sont enfargés dans les maudits bâtons jetés devant vos roues par des citoyens écoeurés non pas tant de votre volonté de développement, mais par votre profonde incapacité à tenir compte d’eux et de leurs aspirations quant à leur milieu de vie ( je veux dire, réellement – l’avais-je déjà souligné?). Vos beaux projets sur papier, vos explications et séances de promotion-information-infopubs pseudo-urbanistiques et politiques, ben, nous non plus, on a plus ben ben envie d’en entendre.
Mais nous resterons tous bien sourds et bien polis, n’est-ce pas?
Super bon texte de Sylvie Gaillard. J’oserais ajouter: l’Humain et la nature ne sont-ils pas des choses sérieuses ?