L’urbanisme à Lévis dans la partie est de la Traverse, le cas de la maison Rodolphe Audette, et l’opposition d’une jeune personne de la grande famille Bégin

L’histoire d’un premier plan de lotissement résidentiel à Lévis

Lors de l’incorporation de la ville de Lévis, en 1861, il n’y avait pas à proprement parler de plan d’urbanisme comme il y en existe aujourd’hui. Il y avait cependant un plan de lotissement résidentiel, celui que Henry Caldwell, seigneur de Lauzon, avait établi sur les plateaux qui bordent la falaise et lequel plan il avait appelé Ville d’Aubigny. Ce plan datant de 1818 prévoyait le développement de rues à partir de la cime du cap jusqu’à la rue Eden (auj. avenue Bégin).

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Le plan de lotissement de la ville d’Aubigny (1818), reproduit par l’arpenteur Pierre Lambert en 1849

Implantation et intégration au pied de la côte Bégin il y a près de 200 ans

Quant à la bordure fluviale, le plan de lotissement initial datait du début de la Nouvelle France quand l’arpenteur Jean Bourdon avait divisé la superficie de la Seigneurie de Lauzon en lots destinés à des fins agricoles. Dans le secteur de la Traverse, un dessin (lavis et encre) réalisé en 1831 par le cartographe militaire James Pattison Cockburn, permet de constater l’implantation et l’intégration de quelques maisons au pied de la côte Bégin et de la Pointe-des-Pères ( auj. Bienville). L’arrivée d’un traversier au quai de l’anse Bégin est l’élément dynamique du dessin. Une petite maison se distingue dans le lointain, près du fleuve. À l’avant plan, une grande maison, probablement une auberge, un quai vers lequel se dirige un « bac à moulin » (Horseboat). Au sommet de la côte, une maison de 2 étages. Les maisons sont blanchies et éloignées les unes des autres. Les toits sont à double versant. Pour les maisons près du fleuve, la pente est prononcée, pour celle au sommet de la côte, la pente est légère. Aucune maison n’apparaît avoir de volume excessif par rapport à l’ensemble. En résumé, le tableau réflète une implantation harmonieuse des maisons et une intégration avec une falaise qui continue à dominer les environs.

L'arrivée du bac à Pointe-Lévy, James Pattison Cockburn, 1831
L’arrivée du bac à Pointe de Lévy, James Pattison Cockburn, 1831

Implantation et intégration immobilière au pied de la côte Bégin suite au plan d’urbanisme de Lévis de 1992.

 À 300 mètres à l’ouest du pied de la côte Bégin se trouve Homestead, la maison du constructeur de navires Allison Davie, érigée en 1832, et contemporaine des maisons illustrés dans l’œuvre de Pattison Cockburn.

En 1990, les gouvernements supérieurs, fédéral et provincial, avaient accordé à la ville de Lévis des subventions totalisant 900 000 $ pour acquérir la maison Homestead et le Chantier A.C. Davie. A la même époque, le gouvernement du Canada a reconnu cette maison et le chantier maritime comme  » Lieu historique national canadien du chantier maritime A.C. Davie« .

En 1993, la ville de Lévis a consulté la population à propos d’un nouveau Règlement sur les plans d’implantation et d’intégration architecturales (PIIA). Des citoyens étaient intervenus afin de faire valoir toute l’importance de protéger les environs du site patrimonial Davie (voir Google : « Spot zoning (zonage parcellaire) à la Traverse de Lévis en 1993 » OU   http://yvanm.eklablog.com/spot-zoning-zonage-parcellaire-a-la-traverse-de-levis-en-1993-la-regle-a104023776 ).

Les photos qui suivent montrent Homestead et les constructions récentes à l’est de la maison Homestead. La volonté de la ville de Lévis a-t-elle été de rechercher la protection et la mise en valeur d’un site historique national lorsque qu’un promoteur s’est présenté pour faire approuver le plan d’implantation et d’intégration architecturale qui cristallisait son projet ? Est-ce que la ville n’a tout simplement pas balancé les objectifs et les critères du Règlement sur les PIIA pour satisfaire l’appétit des promoteurs et des prêteurs immobiliers ? La ville a-t-elle considéré l’alignement des toits, la différence de volumétrie entre les constructions projetées et la maison Homestead? La ville a-t-elle porté une attention à la partie de la falaise qui va en diminuant vers l’est dans cette partie du secteur de la Traverse?

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La maison Homestead et les constructions nouvelles au pied de la côte Bégin
La maison Homestead et le chantier maritime fondé par Allison Davie
La maison Homestead et le chantier maritime fondé par Allison Davie
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La maison Rodolphe-Audette. dernière maison au sommet de la côte Bégin, précédée par deux méga-maisons (McMansions) contemporaines

Alignement des toits et volumétrie

Le 19 octobre  2014 , la Société d’histoire régionale de Lévis recevait M. Claude Martel, conférencier. L’expert en urbanisme est venu répondre aux attentes de ceux qui, sensibles à la protection de notre patrimoine bâti, voulaient en savoir plus long sur les divers modes réglementaires de protection et de promotion. Pour illustrer ses propos, M. Martel a fait voir plusieurs photos  de l’Île-aux-Moulins, classé site historique québécois en 1973 et situé en plein cœur du Vieux-Terrebonne. M. Martel a insisté sur l’importance de respecter l’alignement des toits et la volumétrie lors du processus d’implantation et d’intégration de nouvelles constructions dans un environnement tel celui du site historique de l’Île-aux-Moulins. Depuis 1993, Lévis avait pourtant un règlement sur les PIIA comportant des critères et des objectifs spécifiques. Comment expliquer que les résultats puissent être aussi différents entre l’environnement du site historique de Terrebonne et celui du site national Homestead à Lévis?

La Réponse (mise à jour du 5 mai 2017) :

– En 1993, le conseiller Gilles Lehouiller a piloté le processus d’adoption du règlement sur les Plans d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA). Le 19 octobre 2014, M. Lehouiller, maire de Lévis depuis octobre précédent, fut celui qui remercia le conférencier Martel. Dans son allocution, le maire Lehouiller s’est bien privé de mentionner le fait que c’était lui qui avait cautionné en 1993 la réglementation qui allait dévaluer considérablement le cadre patrimonial et le potentiel du site historique national A.C. Davie.

 Info-choc dans Le Soleil du 20 avril 2004 : En 1994, Denis Guay, le président du CA de la Caisse populaire de Lévis quitte la fonction qu’il occupe depuis 1991 pour celle de maire de Lévis (1994 à 1998) .   http://fr.misc.transport.rail.narkive.com/9WKx4Or8

Le haut de la côte Bégin et une opposition à la décision de démolir la maison Rodolphe-Audette

Une jeune personne membre de la grande famille des Bégin s’oppose présentement à la décision du comité de démolition de Lévis qui a autorisé la démolition de la Maison Rodolphe-Audette. Valérie Bégin-Riverin a porté la décision en appel devant le conseil de ville qui décidera de la question lors d’une assemblée spéciale le mardi, 11 novembre prochain. Depuis deux ans, Mme Bégin-Riverin entrepris avec son conjoint la rénovation de la maison que son ancêtre Philias Bégin avait fait construire pour son fils Adjutor Bégin, l’arrière-grand-père de Mme Bégin-Riverin. Philias Bégin était le frère du Cardinal Louis-Nazaire Bégin (1840-1925).

En façade, maison ancestrale Bégin, rue Montcalm
En façade, maison ancestrale Bégin, rue Montcalm
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La maison ancestrale Bégin, avec vue arrière sur la maison Rodolphe-Audette

Mme Bégin-Riverin entend démontrer au Conseil de ville que la décision du comité de démolition a été fondée et rendue à partir de la lecture de rapports sommaires, vagues et incomplets. Étant donné que la maison Rodolphe-Audette est reconnue posséder une  haute valeur patrimoniale, le comité aurait du constater que le demandeur avait déposé  des rapports d’expertise ne répondant pas aux exigeances que s’imposent les experts professionnels en matière d’évaluation d’équipements et de bâtiments.  En conséquence, Mme Bégin-Riverin invitera le Conseil de ville à déclarer que le Comité de démolition s’est trompé et que les élus doivent rendre la décision qui aurait dû être prise par le comité, soit de refuser la demande.

Par Yvan-M. Roy

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