Le cœur historique de la Traverse – Deuxième partie

En  1868,  la Caisse d’Économie de Notre-Dame de Québec ouvre une succursale à la Traverse de Lévis

Traverse - Caisse d'économie - 1900

La Caisse d’Économie de Notre-Dame de Québec et l’Hôtel Kennebec

Introduction

Lévis est à l’étape de réglementer pour assurer la construction d’un ou de plusieurs bâtiments d’appel à la porte d’entrée maritime du Vieux-Lévis.  La reconstruction d’un bâtiment, tel celui de la Caisse d’Économie de Notre-Dame de Québec, pourrait répondre à l’un des objectifs recherchés à cause de la grande influence que cette institution bancaire a joué au point de départ du réveil économique des Québécois, et particulièrement celui des Lévisiens, comme nous le verrons dans les paragraphes qui suivent.

Les faits historiques

Pierre-Georges Roy a relaté dans ses Dates Lévisiennes les principaux événements survenus à Lévis de 1848 à 1932. Il a ainsi relevé l’ouverture de la succursale de la Caisse d’Économie de Notre-Dame de Québec    :

Le 18 mai 1868 – « La Caisse d’Économie de Notre-Dame de Québec ouvre une succursale à Lévis. Plusieurs des directeurs se rendent à Lévis à cette occasion : L’honorable Isidore Thibaudeau, le docteur Olivier Robitaille, A-.B. Sirois, Edmond Chinic, Cirice Têtu, D. Dussault, François Vézina, caissier, et Samuel Benoît, secrétaire-trésorier. Le curé Déziel, le maire Carrier, de Lévis, le maire Verreault, de Lauzon, et les principaux citoyens de Lévis sont aussi présents. MM. Robitaille et Vézina expliquent le fonctionnement et les avantages de la Caisse d’Économie. En terminant son discours, M. Vézina annonce que le curé Déziel, le curé Routier, de Saint-Joseph de Lévis, le maire Louis Carrier, de Lévis, le maire F.-E. Verreault, de Lauzon, et J.-B. Beaulieu et Georges Couture ont été choisis comme directeurs honoraires de la Caisse d’Économie. Le curé Déziel exprime ensuite aux directeurs de la Caisse d’Économie la reconnaissance des citoyens de Lévis pour avoir doté leur ville d’une institution si utile. »

Dans ses Dates Lévisiennes,  l’historien Pierre-Georges Roy a publié  le résultat des premiers trois mois d’opération :

Le 1er septembre 1868 –  « Résultat des opérations de la succursale lévisienne de la Caisse d’Économie pour ses trois mois et demi d’existence :      Dépôts : 54 976,88 $    ( actualisé à $/2022 =  1,20M$ ) ; Remboursements : 29 792.70 $; Balance due aux déposants : 25 184.18 $. C’est un résultat magnifique et qui montre l’esprit d’économie de la population. »

La Caisse d’Économie devait investir uniquement dans les fonds publics ou dans les actions des banques à chartes et ne pouvait consentir de prêts garantis. Ce statut légal ne lui permettait pas de financer les activités des marchands et des industriels canadiens-français de Québec. C’est pour cette raison que, dix ans auparavant, les Thibaudeau, Robitaille, Vézina, et autres avaient fondé la Banque Nationale. À partir de 1862, les deux institutions avaient opéré de manière indépendante.

Ce 1er septembre 1868, il est donc fortement probable que le bénéfice d’opération de la succursale de Lévis fut investi dans les actions de la jeune Banque Nationale et que par la suite, l’argent servit à financer des marchands et des industriels canadiens-français, opérant tant à Québec qu’à Lévis. En 1868, Isidore Thibaudeau était administrateur de la Banque Nationale ( président de 1879 à 1889) , Olivier Robitaille, également membre du conseil, et François Vézina, en plus de gérer les affaires de la Caisse d’Économie, gérait également celles de la Banque Nationale et celles de la Société de construction permanente de Québec. À cette époque, la Banque escomptait une moyenne de 22,5 $  millions annuellement. Tous trois étaient parmi les fondateurs de la Banque Nationale (1858) .

L’historien Jean Hamelin a  indiqué : « Au début du xxe siècle, Alphonse Desjardins, en créant la Caisse populaire de Lévis, reviendra à l’esprit qui avait animé les fondateurs de la Caisse d’Économie. »

Et nous ajoutons :  »Pendant les 5 premières années de la Caisse populaire de Lévis , de 1901 à 1906, l’édifice de la Caisse d’économie à la Traverse a été le seul comptoir d’échange d’effets bancaires accessible à M. Desjardins pour transiger les opérations de la Caisse populaire de Lévis. »  En d’autres mots, tous les effets bancaires de la première caisse étaient tirés sur un compte que M. Desjardins avait ouvert à la succursale  de la Caisse d’économie de Notre-Dame de Québec située à quelques pas de la Halle Lauzon qui, de 1865 à 1882, hébergea l’administration et le conseil de la jeune ville de Lévis, et de servir comme salle de spectacles et rencontres culturelles.

Et nous rajoutons  : M. Desjardins avait adopté la manière de transiger les effets bancaires qui était celle de la Société de construction permanente de Lévis  où il avait siégé au conseil  pendant 5 ans (1889 à 1894) avant la fondation, en décembre 1900, de la Caisse populaire de Lévis.

Et en matière personnelle,  avant 1900, Alphonse Desjardins avait-il un compte  à la Caisse d’Économie de Notre-Dame de Québec, et le cas échéant, depuis quand y déposait-il ses épargnes  ?  En 1940, les réponses et bien d’autres se trouvaient  dans les écrits que M Desjardins déposait dans un grand coffre que son fils Raoul conservait précieusement, et qu’il a finalement consenti à remettre Cyrille Vaillancourt, alors directeur de la Fédération des caisses populaires de Québec. Les réponses se trouvent également dans les premiers Grands livres de la Caisse populaire de Lévis, conservés dans les archives de l’institution.

À travers le temps

Traveerse - Intercolonial 2

L’édifice de la Caisse d’Économie, les hôtels Lawlor, l’ancienne Halle Lauzon devenue gare de l’Intercolonial (1885), avant la construction du Bureau de Poste (1905)

Vers 1905

Traverse - Rue Laurier 1920

Le cœur de la Traverse, vers 1920

Traverse - rue Laurier - 1900 - 2

Vers 1930, prise de vue à partir du pont d’un traversier

Traverse 1947 Rue Laurier

En 1947, vue à partir de la Terrasse Dufferin, à Québec (Lucien Gosselin, photographe)

Traverse Rue Laurier - 2017

En 2017, il ne reste, à gauche et à droite, que deux édifices ayant appartenu au cœur historique de la Traverse

Traverse - hotel - réduction

Pour 2018, le PPU Vieux-Lévis  autorise pour la Traverse un  »facelift » radical et paradoxal, un coeur tout neuf,  avec en zone 3, condominiums sur 4 étages, en zone 2 (côté est), hôtel de 7 étages, et en zone 4, condominiums de 6 étages, tous de facture contemporaine

Question et réponse:  En 1987, Desjardins a facilité la densification du   secteur historique de la Traverse d’abord par le financement des condos  »Les Rives du Saint-Laurent », et plus tard  par celui du  »Le Diamant Bleu ». Actuellement, il y a de fortes présomptions  à l’effet qu’à la Traverse, les propositions de densification par des immeubles de style contemporain et de grand gabarit sont dirigées politiquement et seront ultérieurement financées par Desjardins.

Sur quoi donc sont fondées ces présomptions ?

La réponse :

  1. Depuis 30 ans, dans le périmètre du Vieux-Lévis, Desjardins a été, trois fois sur quatre, l’institution bancaire qui appuyait ou finançait la construction d’immeubles à très grand gabarit, de facture strictement contemporaine, tels « Les Rives du Saint-Laurent », le « Diamant Bleu », et l’Îlot Saint-Louis.
  2. Le 27 avril 2015, le maire de Lévis a reçu en son bureau celui qui allait devenir, en 2016,  président de la Corporation de développement du Vieux-Lévis ( CDVL), un historien d’entreprise au service de la Société historique Alphonse-Desjardins depuis vingt ans. L’historien était accompagné d’un ancien président du CA de la Caisse populaire de Lévis, fonction qu’il avait occupée de 1998 à 2012. La pré-consultation sur le PPU du Vieux-Lévis a été tenue moins de deux mois plus tard, soit le 10 juin 2015. 
  3. À la même époque, la ville de Lévis avait formé le Comité de pilotage du Vieux-Lévis dont le mandat était de mener la consultation publique, d’analyser les interventions et mémoires, et de rédiger un rapport;
  4. C’est la  CDVL qui s’était vue confier par le Comité de pilotage du Vieux-Lévis  (1) le mandat d’analyser les mémoires  suite à la pré-consultation du  10 juin, et par la suite, (2) de rencontrer particulièrement:
  • Ceux qui avaient manifesté dans leur mémoire le souhait de pouvoir approfondir et exprimer verbalement les thèmes qu’ils avaient développés ;
  • les individus reconnus pour leur connaissance approfondie du Vieux-Lévis;

https://www.ville.levis.qc.ca/fileadmin/documents/pdf/developpement/PPUVL_Rapport_Synthese_28oct.pdf (page 10)

4. Le Registre des entreprises du Québec indique qu’en 2014,  Claude Genest, historien d’entreprise chez Desjardins, (inscrit à 100, avenue des Commandeurs, Lévis, à la même adresse que  celle d’Assurance-vie Desjardins, Sécurité financière) était administrateur de la CDVL; en 2017, le même registre indique que M. Genest est le président de la CDVL.

5. Il est possible d’affirmer, suivant des sources bien informées que la CDVL  a négligé de rencontrer,  avant le 2 septembre 2015,  (1) tous ceux avaient manifesté dans leur mémoire le souhait de  pouvoir approfondir et exprimer verbalement les thèmes qu’ils avaient développés et (2)  tous les individus reconnus pour leur connaissance approfondie du Vieux-Lévis.


6. Desjardins s’est affirmé comme le principal prêteur immobilier de l’arrondissement         Desjardins, auquel appartient le Vieux-Lévis.

Conclusion 

Les rédacteurs du PPU Vieux-Lévis ont donc proposé de favoriser, notamment sur recommandation de la Société d’histoire de Lévis, un style contemporain pour les futurs bâtiments à la Traverse, dont un hôtel de 8 étages qui deviendrait  l’édifice d’appel du Vieux-Lévis.

Quel paradoxe ! Une alternative,  plus attrayante et plus respectueuse de l’histoire des lieux, aurait pu être, comme édifice d’appel en Zone 2,  la  construction d’un complexe hôtelier de 4 étages, de style 19e siècle,  afin de mettre la falaise en valeur,  et en Zone 3,  la reconstruction de  la succursale de la Caisse d’Économie de Notre-Dame (quatre étages), et des hôtels Lawlor, dont l’Hôtel Kennebec (quatre étages). Les coûts auraient été sensiblement les mêmes que ceux de constructions contemporaines.

La Corporation de développement du Vieux-Lévis (CDVL) avait-elle des intérêts à ne pas écouter toutes les personnes qui avaient  demandé expressément dans leurs mémoires le souhait d’être rencontrées de même que  les individus qui avaient une connaissance approfondie et reconnue du Vieux-Lévis ?

Y aurait-il eu en quelque sorte un court-circuit qui a dérouté la consultation sur le Plan particulier d’urbanisme ?  La CDVL est-elle un organisme affranchi  et indépendant du Mouvement Desjardins ? De plus, la CDVL est-elle un organisme affranchi  et indépendant de la ville de Lévis ? Dans les cinq derniers exercices financiers  (2012 à 2017), la ville de Lévis a accordé des subventions annuelles de 75 000$  à la Corporation de développement du Vieux-Lévis, soit 375 000$.  Les dés ont-ils été  « pipés » au point de départ ?

Yvan-M. Roy, historien local

Juin 2017

Sources :

http://www.biographi.ca/fr/bio/thibaudeau_isidore_12F.html

http://www.biographi.ca/fr/bio/robitaille_olivier_12F.html

http://www.biographi.ca/fr/bio/vezina_francois_11F.html

http://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?

http://fr.misc.transport.rail.narkive.com/9WKx4Or8/

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