En 1864, le Marché Lauzon, la Halle Lauzon, la Salle Lauzon et les premiers vrais bureaux de la Corporation de Lévis
La construction du Marché Lauzon en 1864 fut la réponse du premier Conseil de Lévis pour combler l’absence d’une place de commerce comme celle du Marché Finlay sur les quais de Québec.

Appel d’offres pour la construction d’un bâtiment pour répondre aux besoins multiples de la nouvelle Corporation de Lévis (Le Canadien, 30 décembre 1863)

Le Marché Finlay, entre Place Royale et le fleuve, sous la terrasse Dufferin avant la construction du Château Frontenac

Le Marché Finlay en hiver, et les charretiers de Lévis à l’occasion de la formation du pont de glace entre Lévis et Québec. Sur la droite, l’édifice Thibaudeau et Frères.
Un programme pour soutenir l’incorporation de Lévis
La nécessité d’un service efficace pour passagers et d’un marché public avait fait partie du programme exposé dans les pages du Journal de Québec par un des citoyens associé à la requête déposée au Parlement en avril 1861 et qui avait pour objet l’incorporation d’une ville ayant pour nom Lévis, du nom du vainqueur de la bataille de Sainte-Foy en avril 1760. Quelques grandes lignes du programme:
- Les traversiers : « Faites que l’on se transporte de Québec à la Pointe-Lévis dans un aussi court temps et avec autant de facilité que l’on passe de la Haute-Ville au faubourg Saint-Jean ou Saint-Roch et Québec et ne doutez plus de la prospérité et de l’avenir de la Pointe-Lévis. »
- Un marché: « Depuis longtemps, le besoin d’un marché public au Passage se fait sentir. Eh! Bien, dès l’instant qu’une traverse facile aura conduit de ce côté du fleuve le plus grand nombre possible de consommateurs, cette mesure deviendra indispensable; et tous les districts et townships du Sud viendront étaler avec complaisance leurs riches produits sur ce marché désiré, auquel ils seront comme autant de ressources inépuisables d’alimentation dans toutes les saisons de l’année.
Signé : L’ami du Progrès ( Journal de Québec, 11 avril 1861)
En vérité, la demande pour l’incorporation de Lévis était en fait une contre-requête pour déjouer les grands capitalistes de Québec, actionnaires du chemin de fer Grand- Tronc, et qui voulaient détacher le quartier de l’Anse Tibbits de la municipalité de Notre-Dame- de-la-Victoire pour échapper à la taxation réglementaire. Le territoire de Notre-Dame s’étendait au sud jusqu’à Saint-Henri et le Conseil était présidé par le Dr. J.-Goderic Blanchet.

Le docteur Joseph-Goderic Blanchet, président de l’Assemblée législative du Bas-Canada, puis président de la Chambre des Communes du Canada.
L’incorporation de la ville de Lévis, cause de la défaite de François-Xavier Lemieux
Le 18 mai 1861, l’incorporation de Lévis fut adoptée « in extremis » par la Chambre d’assemblée du Canada-Uni grâce à l’influence et l’expérience parlementaire de François-Xavier Lemieux, député de Lévis depuis 1847, et en mai 1861, receveur général du Canada. Le 10 juillet suivant l’incorporation de Lévis, il y eut un scrutin pour renouveler la Chambre du Canada-Uni et le Dr. Blanchet réussit à battre François-Xavier Lemieux en misant sur l’insatisfaction des nombreux canotiers de Lévis qui ne voyaient pas d’un bon œil l’amélioration du service entre Lévis et Québec par des bateaux à vapeur.
Le programme des requérants pour l’incorporation de Lévis réalisé en 1864
Pierre-Georges Roy, fils de Léon Roy, premier secrétaire-trésorier de Lévis, relate dans ses Dates Lévisiennes que le programme publicisé dans le Journal de Québec en 1861 fut réalisé dès 1864 :
12 mai 1864 – Lancement du vapeur Québec…(qui)…fera la traversée d’été entre les deux rives avec son frère le Lévis lancé la semaine dernière.

Le traversier »Lévis », construit en 1864, rebaptisé « South » en 1876, demeura en service jusqu’en 1884
31 octobre 1864 – Le Canadien donne une description détaillée de la nouvelle halle qui a coûté $ 7 400,00. « La construction de cette halle fait honneur aux entrepreneurs Édouard et Germain Hallé, de Lévis, ainsi qu’à l’architecte, Michel Patry, de Québec.
- Cette bâtisse, qui mesure 109 pieds sur 46, est en brique et à deux étages.
- Le premier étage est divisé en dix-sept étaux de bonne grandeur.
- À chaque bout de la halle se trouve un escalier conduisant au deuxième étage.
- Ce dernier est divisé comme suit : une salle de 60 pieds sur 40, pour l’usage de toute réunion publique, concerts, soirées littéraires, etc
- La salle du Conseil, où se tiendront les réunions du corps municipal, mesure 40 pieds sur 30, laissant de chaque côté un espace où le public sera admis.
- À l’extrémité est de la bâtisse se trouvent deux bureaux, celui du secrétaire-trésorier de la ville, Léon Roy, notaire, et celui du maire, Louis Carrier.
- On a construit tout le tour de cette halle un quai de 60 pieds pour servir comme marché extérieur. »

La halle Lauzon, devenue en 1885, la gare de la Compagnie du chemin de fer Intercolonial.

L’ancienne halle Lauzon (1864) est le bâtiment le plus significatif à la Traverse, en instance de rénovation (2017)
Qualification actuelle du bâtiment
Les noms de référence que l’on retrouve le plus souvent dans les publications de l’époque furent : Marché Lauzon, Halle Lauzon, Salle Lauzon, Salle du Conseil et Bureaux de la Corporation. Dans un document officiel, le Service du patrimoine et de soutien à l’urbanisme (ville de Lévis) a qualifié le bâtiment en ces termes :
« Il s’agit de l’un des bâtiments les plus significatifs dans l’histoire municipale lévisienne, et certainement le plus important dans le secteur de la Traverse. » ( Service du patrimoine et soutien à l’urbanisme, ville de Lévis)
Cliquer pour accéder à Gare-intermodale-Levis.pdf
À répétition, le texte du PPU Vieux-Lévis fait état de » l’ancienne gare intermodale ».
Réfection de la « gare intermodale »
Au cours de l’année 2016, la ville de Lévis a accordé deux contrats successifs totalisant 73 732,00 $ à une firme d’architectes pour la réfection de la »gare intermodale ».
Quelques événements notables relevés dans les Dates Lévisiennes
- Le 27 avril 1869, assemblée à la salle Lauzon de quelque 150 citoyens qui avaient répondu à l’appel du notaire Léon Roy pour venir fonder la Société de construction permanente de Lévis, une organisation mutuelle d’épargne et de crédit où Alphonse Desjardins, 20 ans plus tard, fit son adhésion et où il occupa, de 1889 à 1894, un fauteuil au conseil d’administration, pour fonder par la suite la Caisse populaire de Lévis, le 6 décembre 1900. ( https://cqvl.org/2017/06/19/quelques-proprietes-financees-par-la-societe )
- Le 4 août 1870, Henri Kowalski, pianiste polonais de grand renom, donna un concert dans la salle Lauzon sous le patronage du maire et des conseillers de Lévis. Outre M. Kowalski, prirent part au programme Mme Kowalski, Mlle de Bussy, M. Cartier Jacquard. Auditoire considérable. Beau succès. Tournée internationale. Principal interprète de Chopin et Liszt au 19e siècle. Précurseur des tournées mondiales du 20e siècle. (Voir Wikipedia – Henri Kowalski)

Henri Kowalski, qui fit deux tournées mondiale avec son ensemble musical aux États-Unis, au Canada, en Nouvelle-Zélande et en Australie.
- 19 mars 1872, fondation de la Chambre de Commerce de Lévis dans une assemblée réunissant à la salle Lauzon une centaine de gens d’affaires
- Le 4 avril 1872, concert au bénéfice de la fanfare du 17e Bataillon par le Septuor Hayden de Québec
- Le 18 novembre 1873, ouverture de l’École des Arts à la salle Lauzon
- Le 15 janvier 1874, grande assemblée politique à la salle Lauzon en faveur de la candidature de Julien Chabot
- Le 5 octobre 1875, grand bazar de 8 jours au profit des pauvres de la ville se termine brillamment par le concert du Septuor Hayden de Québec
- Le 15 octobre 1877, ouverture d’un bazar en faveur des pauvres des Sœurs de la Charité dans la salle Lauzon. La table des rafraîchissements est tenue par Mesdames Léon Roy, présidente, Siméon Larue, James Dunn, et Évariste Lemieux. Les tables d’ouvrages sont tenues pas Mesdames Ramsay, Gurry, L.-J.A Bernier, C.-F. Langlois, J.-B. Thériault * et Charles Thompson. De tout temps et en tous lieux, les bazars ont été des occasions de détente, de flâneries et d’agréables rencontres.
* Il s’agit de Louise-Clarisse Mailhot-Thériault, tante et mère adoptive de Dorimène Desjardins. Lors de ce bazar, la jeune Dorimène avait 19 ans. Peut-on présumer qu’elle se tenait à la table auprès de sa tante, et qu’elle y présentait même quelques ouvrages ? Le mariage d’Alphonse et de Dorimène Desjardins eut lieu deux ans plus tard, le 2 septembre 1879.
Dans les propositions du PPU Vieux-Lévis,
On trouve au point 4.3 dans le PPU l’intention de confirmer la Traverse comme pôle d’accueil touristique et vitrine de la culture lévisienne.
- Favoriser le recyclage de l’ancienne gare intermodale pour y permettre l’implantation d’une halte touristique, d’une salle polyvalente avec possibilité d’expositions et de toutes autres activités compatibles avec le milieu
- Aménager une place publique de style « terrasse » devant l’ancienne gare intermodale afin de baliser le parcours de la Coopération.
Les rédacteurs ont semblé intéressés d’une part, par la promotion du tourisme et de la culture lévisienne en général, de la Coopération en particulier, et d’autre part désintéressés en ce qui concerne l’un des bâtiments les plus significatifs dans l’histoire lévisienne, certainement le plus important dans le secteur de la Traverse. Ils ont considéré ce bâtiment comme une ancienne gare, non pas un bâtiment public de très grande importance patrimoniale.
La ville de Québec a su mieux refléter l’histoire de la Traverse et cristalliser le thème du transport entre les deux rives par l’aménagement, en bordure du fleuve, de la »Place des Canotiers ». Et voici que l’auteur Philippe-Aubert de Gaspé disait autrefois que les canotiers étaient tous des gens de Pointe-Lévis. Lévis a de sérieuses pertes de mémoire et laisse Québec combler l’espace, le vacuum.
Les objectifs du PPU Vieux-Lévis pour la Traverse
- Poursuivre la revitalisation du secteur de la Traverse en continuité avec l’évolution urbaine du secteur et en harmonie avec le cadre bâti existant ;
- Recréer un milieu de vie animé, dynamique, convivial, à l’échelle humaine, sécuritaire ainsi qu’un lieu de destination attractif, complémentaire avec le quartier du Vieux‑Lévis;
- Favoriser le rayonnement du secteur de la Traverse, l’une des entrées les plus significatives de la Ville sur les plans historique, touristique et identitaire par la construction de bâtiments de facture contemporaine, attrayants lorsqu’ils sont observés depuis le fleuve Saint-Laurent ou la Ville de Québec;
- Rehausser la qualité de l’environnement urbain et de l’ambiance physique du secteur;
- Planifier et concevoir des projets de requalification urbaine favorisant la qualité architecturale en s’appuyant sur des principes reconnus d’insertion urbaine en milieu patrimonial;
- Favoriser l’intermodalité en améliorant l’accessibilité, le confort et la sécurité des piétons, des cyclistes et des usagers du transport collectif;
- Créer une silhouette urbaine attrayante, cohérente et ayant des gabarits et hauteurs en harmonie avec le reste du secteur (échelle humaine);
- Contrôler la luminosité émanant du secteur de la Traverse afin de préserver le paysage nocturne du Vieux-Lévis;
- Favoriser la protection et la mise en valeur de la falaise en s’assurant de maintenir sa visibilité et sa lisibilité dans le paysage lévisien;
- Préserver la qualité des percées visuelles vers le fleuve depuis le haut de la falaise.
Observations et conclusion: Nous sommes en mesure de constater, à la lecture des points ci-dessus, notamment à 2 et 3, que pour les rédacteurs du PPU, la Traverse n’est pas un élément capital du Vieux-Lévis, elle en est un élément satellitaire. En conséquence, les rédacteurs se trouvent justifiés de faire de la Traverse un quartier dont toutes les futures constructions refléteront la densification et adopteront une silhouette contemporaine, avec des mesures d’harmonisation à négocier avec les promoteurs de grands domaines. Une perte d’identité majeure.
On constate que les promoteurs de grands domaines, avec l’aide des grand prêteurs hypothécaires, ont réussi par des méga-projets de condominiums (à balcons et portes-fenêtres) à imposer un bris d’harmonie d’avec les constructions du 19e siècle qui caractérisent le cadre unique du Vieux-Lévis, en particulier celui de la Traverse. D’est en ouest, il aura suffi seulement 30 ans pour déprécier et régler le sort d’un secteur à très grande valeur historique.

Rue Bégin, édifice contemporain supposément inséré en harmonie (à l’échelle humaine) avec deux constructions du 19e siècle, dont sur la gauche, la maison achetée par la Caisse populaire de Lévis en 1919, un an avant le décès d’Alphonse Desjardins, demeurée en service de 1919 à 1950. Domination victorieuse du contemporain sur le patrimonial, atteinte grave et sérieuse à l’identité

Le site historique de la Maison Homestead, suivi par le Diamant Bleu au pied de la côte Bégin, une insertion à « l’échelle humaine » ?

Le »Diamant Bleu IV », une insertion supposément » à l’échelle humaine », à côté de l’atelier de traçage de formes, de l’écurie, d’Homestead, éléments majeurs du Lieu historique national du chantier A.C. Davie ?

Les Rives du Saint Laurent, masquant de chaque côté la falaise au pied de la côte Fréchette, une insertion présentée comme étant » à l’échelle humaine » ?
Par Yvan-M. Roy
Également – copier-coller
La gare intermodale de Lévis, Les Services de soutien à l’urbanisme, ville de Lévis,