Le Canton Labadie dans la mire de la Grande pelle ?

La Faucheuse était jadis la personnification de la Mort qui frappait sans discernement les pauvres mortels. Aujourd’hui dans notre milieu urbain, la Faucheuse est apparue sous la forme d’une Grande pelle mécanique pour servir lors de la destruction d’immeubles dont la valeur économique a été trouvée fortement dépréciée, ou insuffisante.

La ville de Lévis a accordé ce printemps un mandat à une firme d’experts pour faire l’évaluation architecturale de toutes les propriétés du Canton Labadie, un faubourg situé au pied de la Côte du Passage.  Il importe de nous rappeler ce que représente cet endroit dans notre histoire collective. À cet effet, le Comité de Quartier du Vieux-Lévis (CQVL) a entrepris de faire connaître cet endroit. Nous publions intégralement l’article signé Pierre Roy et publié dans la revue La Seigneurie de Lauzon (SHRL) dans son numéro 4, décembre 1980 :

Jean-Baptiste (Batoche) Samson et le « Canton à Batoche »

Par Pierre Roy

Une coopérative de logements, récemment formée, à Lévis porte le nom de coopérative du Canton Batoche. Qui était ce « Batoche » et où se trouve ce Canton ?

Ce Canton, qu’on désigne quelquefois aussi sous le nom de Canton Labadie, est situé dans la partie la plus pittoresque de Lévis. Du Canton à Batoche on a une vue magnifique de Québec et de toute la rade. Ce coin de terre qui dominait la falaise, enclavé entre la rue Henry, la côte Labadie et un ruisseau qui coule à trente pas de la rue Wolfe, finit par prendre le nom de Canton Labadie ou de  « Canton à Batoche ». (Pierre-Georges Roy, Dates Lévisiennes)


Le Canton à Batoche était habité, il y a plus de cent ans, par Jean-Baptiste Samson que les gens appelaient familièrement Batoche. C’est lui qui a légué son surnom au Canton en question. Batoche était un amateur de chiens et il en gardait continuellement plusieurs. Le 14 août 1865, le Conseil de ville de Lévis adoptait la résolution suivante : « Résolu que vu le grand nombre de plaintes réitérées à diverses reprises relativement aux chiens de J.-Baptiste Samson (Batoche)  des mesures soient prises pour les faire enfermer ou tuer par l’ordre de la Corporation. » (P.-G. Roy, Dates Lévisiennes)

« Ce Canton Labadie ou Canton à Batoche, si pauvre et si dénudé, qui gâta les plans du Seigneur Caldwell, fut dès le commencement l’endroit de prédilection que choisirent les fameux canotiers de la Pointe-Lévy. Les Labadie et les Samson se fixaient au hasard de leurs caprices, suivant que cela leur disait, dans des cabanons chétifs et misérables. Les premiers qui vinrent eurent encore un peu d’espace, un jardinet grand comme la main où picoraient des poules et se vautraient des pourceaux, mais bientôt les enfants grandirent et chacun se découpa une tranche de plus et plus mince, si bien qu’à la fin les maisons se pressèrent les unes contre les autres laissant à peine un étroit sentier pour circuler. (J.-Edmond Roy, Histoire de la Seigneurie de Lauzon-HSL)

« Quelles familles étranges s’y étaient donné rendez-vous ? Chacune avait son type à part, des types comme l’on en rencontre encore plus aujourd’hui. Mais au dessus de ce bizarre rassemblement dominera toujours dans la tradition locale la figure de Batoche Samson, le bohème coureur de grèves qui sut prendre la vie si doucement. Batoche avait épousé une de ces filles émigrées dont l’Angleterre couvrit si abondamment nos rivages dans la décade de 1815 à 1825. » (J.-Edmond Roy, HSL)

Jean-Baptiste Samson, fils de Louis Samson et de Félicité Corneau épousa en 1847 Mary Louise Byron, fille de George Édouard Byron, capitaine dans la marine anglaise, et de Mary Thompson. Elle adjura la secte anabaptiste à Saint-Joseph de Lauzon, à l’âge de 24 ans, le 12 février 1846. Cette famille s’en alla résider aux États-Unis dans le Nebraska ou le Dakota.

Louis Samson, le père de Jean-Baptiste fut le premier à venir habiter le quartier dès 1805.

Un épisode raconté par Louis Fréchette à propos de Batoche Samson.

« Le curé (Déziel) était un homme de zèle, mais malheureusement d’un caractère dominateur et peu conciliant. Il s’était mis dans la tête d’imposer sa volonté en cela comme en tout, et voilà les paroissiens divisés en deux camps acharnés, la masse favorisant la candidature d’un marchand du nom de Samson, surnommé Batoche à Lazette, et le curé tenant mordicus pour un riche rentier du nom de Laurent Chabot. Ce fut une lutte homérique. Et, chose assez curieuse, le curé appliqua le nom de Rouges à ceux qui prétendaient résister à son arbitraire.

Il fut vaincu; les Rouges remportèrent la victoire; Samson fut élu par une majorité écrasante, et ses paroissiens le promenèrent triomphalement d’un bout de la paroisse à l’autre, avec accompagnement de drapeaux, de pétards, de trompettes et d’acclamations enthousiastes. Jamais ministre élu n’eut une ovation plus délirante. »  (Mémoires intimes)

N.B. 1 (Pierre Roy): Canton Labadie : Pierre-Olivier Labadie fut le premier du nom à habiter le quartier. Le Canton Labadie ou à Batoche de 1980 ne ressemble en rien à la description ci-haut. Depuis longtemps ce joli quartier n’a plus l’apparence d’il y a cent ou cent-cinquante ans, mais la vue sur Québec reste la même, Une récente rénovation (PAC) est à voir.

N.B. 2  (CQVL) : a) Le programme d’amélioration  (?) (PAC) fut réalisé par l’administration du maire Vincent Chagnon dans les années 1980. Les pittoresques maisons de la Côte Labadie (Côte des Buches) furent toutes démolies. La côte fut fermée et remplacée par un escalier de béton et d’acier galvanisé. Le Canton Labadie fut épargné, du moins pour un certain temps encore. La ville de Lévis aurait dans ses cartons un projet, mais lequel, cela reste à voir ? b) L’évaluation des terrains a grimpé à 35 $ le pied carré. c) Où donc se trouvait la chaumière de Jean-Baptiste Samson ?

N.B. 3: Pierre Roy était le fils de Léon Roy jr, et le petit fils de Pierre-Georges Roy, historien national.

 

Par Yvan-M. Roy

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Un commentaire pour Le Canton Labadie dans la mire de la Grande pelle ?

  1. Pierre Blouin dit :

    Effectivement, on veut éliminer ce qui ressemble trop à moins de richesse, comme à Montréal (Radio-Canada) où on a détruit un quartier populaire entier, ou dans St-Roch dans les années 70. Les habitants du quartier peuvent être obligés de quitter à cause de l’évaluation, dans cette opération d' »assainissement » urbain. Aujourd’hui, on veut démolir l’escalier qui a remplacé la côte…

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