Drôle de vote à Lévis (réponse à Mme Roy-Marinelli)

On dirait que le récent scrutin, concernant le référendum où la population avait à se prononcer avant l’adoption du nouveau plan de zonage, a été fait selon une méthode légèrement différente de celle décrite dans la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités (LERM), ce qui a eu comme conséquence d’éliminer de la liste électorale une bonne partie des adresses des 12 noyaux traditionnels du territoire. Y a-t-il d’autres municipalités où les choses se passent de cette façon?

En réponse à Mme Roy-Marinelli (Journal de Lévis, 11 juillet, «Ça ne me surprend pas» ) qui dit avoir : « …l’assurance du département juridique que les choses ont été faites dans les règles de l’art », nous rappelons les articles de loi concernant la méthode d’établissement de la liste électorale : (L.R.Q., chapitre E-2.2 – LOI SUR LES ÉLECTIONS ET LES RÉFÉRENDUMS DANS LES MUNICIPALITÉS (LERM) – articles 100 à 103 & 219 (pour les extraits complets, aller sur le site L.R.Q.) :

100. Le président d’élection demande par écrit au directeur général des élections de lui transmettre la liste des électeurs inscrits à la liste électorale permanente qui ont le droit d’être inscrits à la liste municipale devant servir à l’élection.

101.1 La liste des électeurs d’un district ou d’un quartier constitue la liste électorale de celui-ci.

102. La liste est dressée en fonction de la situation des immeubles, (…), y compris ceux des appartements ou des locaux, ou, à défaut, selon l’ordre des numéros cadastraux (par exemple, pour les terres agricoles sans numéro civique).

103. La liste contient le nom et l’adresse de l’électeur et, dans la mesure où ce renseignement peut être obtenu, sa date de naissance. L’adresse de l’électeur est, (…), le numéro d’immeuble de son domicile, de l’immeuble dont il est le propriétaire ou de l’établissement d’entreprise dont il est l’occupant. Le numéro d’immeuble comprend, le cas échéant, celui de l’appartement ou du local. À défaut de numéro d’immeuble, on tient compte du numéro cadastral.

 

219. Le président d’élection peut autoriser à voter l’électeur:

1°  dont le nom n’apparaît pas sur la copie de la liste électorale utilisée au bureau de vote (par conséquent, c’est ce qui a été fait pour une bonne partie des résidents de Lévis mais sans garantie que nos signatures seraient valides ou non).

Sauf qu’il n’y a pas défaut de numéros d’immeubles ou d’appartements  dans le Vieux-Lévis et les autres quartiers.  Il ne s’agit pas de terres agricoles sans numéros civiques, qui justifient ce choix de fonctionnement (comme avancé par Stéphane Guay, conseiller en communication à la Ville de Lévis, au Journal de Lévis le 4 juillet dernier : « On a fonctionné par numéro de lot, c’est une méthode reconnue »). Il ne dit pas que la méthode utilisée diffère de celle préconisée par la loi, puisqu’elle ne semble pas tenir compte de la liste électorale permanente (article 100). Autrement, comment aurais-je pu en être absente puisque je vote à Lévis depuis 36 ans? Et tous les concitoyens dans la même situation?

En choisissant cette méthode mais en ne retenant qu’une seule adresse par lot (ou # cadastraux), comme ce fut le cas (confirmé par un préposé lors du scrutin), on a éliminé des listes une partie des adresses des 12 noyaux traditionnels du territoire et d’autres quartiers multifamiliaux, ainsi que le nom des personnes y résidant. La raison en est simple : ce sont les quartiers les plus densément peuplés parce que les immeubles y possèdent souvent plusieurs logements, contrairement aux maisons unifamiliales (1 immeuble = 1 adresse). Puis on a établi les listes à partir de ces adresses restantes, au lieu de se servir de la liste électorale permanente et des adresses de tous les citoyens, tel que spécifié par la loi (c’est pourtant bien aux personnes habiles à voter que s’adressait l’avis, pas à des numéros de lot).

Conséquence? Dans mon immeuble, une seule adresse a été retenue sur les 8 logements, lesquels comportent souvent plus d’un résident. Ça fait plusieurs absents de la liste des personnes habiles à voter auxquels s’adressait l’avis public. Dans un autre immeuble près de chez moi, où logent 21 personnes habiles à voter, une seule adresse a été retenue. Et même si l’autorisation téléphonique a été demandée  pour chaque cas d’adresse absente de la liste et que chacun a dû prêter serment (20 min. pour le tout, dans mon cas),  impossible de savoir si nos signatures ont été rejetées lors du dépouillement. Ou combien ont été rejetées. Deux personnes de ma connaissance, pourtant bien inscrites sur la liste, ont dû quand même prêter serment (tous ceux à qui j’ai demandé, inscrits ou non, ont prêté serment).  Tous les commentaires que j’ai entendus par la suite m’ont révélé ceci : on a tous l’impression d’avoir été les dindons d’une farce.

Lors de mon passage au bureau de scrutin, lorsque j’ai demandé au préposé s’il était certain que ma signature serait valide quand même, on m’a répondu : « Probablement ». À une autre résidente, on a répondu : »C’est sûr  à 98% ». À cette résidente, on a confirmé (aux greffes) qu’il serait impossible de connaître, après coup, le nombre de signatures rejetées et lesquelles, puisque cette information était confidentielle.

À propos des signatures rejetées, la mairesse répond ceci (même article) : « La greffière n’avait pas décortiqué les chiffres, mais ce serait très minime, voire inexistant ».

Y aurait-il moyen d’avoir une réponse claire à cette question? Compte tenu de l’étrangeté de ce vote, pourrions-nous connaître le nombre exact de citoyens qui sont allés voter et le nombre de ceux qui ont été éliminés?

« …il y a un peu de démagogie et de désinformation de la part de certains groupes ». Dans cet article, c’est ainsi que Mme Marinelli juge les citoyens qui demandent des éclaircissements.

Pour paraphraser la mairesse lorsqu’elle parle de la « petite déception de certains citoyens chercheurs de poux », ce n’est pas tant le résultat du vote que nous déplorons (329, ça en prenait 1740 pour soumettre le nouveau plan de zonage à un référendum populaire…ce qui est quand même triste), c’est le curieux  scrutin qui élimine de ses registres une bonne partie des résidents de Lévis. Ce sont les quartiers traditionnels qui ont vu naître les mouvements de contestation populaire des dernières années. Parce qu’ils sont directement touchés et que de plus en plus de résidents de ces quartiers sentent leur milieu de vie menacé par le type de développement des derniers temps, étant donné qu’il devient beaucoup plus avantageux et lucratif de démolir l’ancien et récupérer le terrain pour les nouvelles constructions de forte densité d’occupation. Ce vote était crucial pour l’avenir des 12 noyaux traditionnels de Lévis (pour plus d’explications, voir note à la fin de l’article).

En allant vérifier (sur le site de Élections Québec) les dernière statistiques de participation aux élections (2008, dernières inscrites), j’ai relevé que le taux de participation aux élections municipales était de 64 %. On est bien loin du compte avec ce dernier scrutin où le taux de participation a été de 0,6 pour cent…

« C’est un cadeau qu’on fait aux citoyens  (…) il y a maintenant une équité pour tous les citoyens ». Si on change le mot « citoyens » par le mot « promoteurs », ça devient vrai.

Sauf pour l’équité, puisqu’il s’agit plutôt d’uniformisation (du plan d’urbanisme, post-fusion).

Mais c’est sûr que équité, ça sonne mieux.

Récemment, des plaintes de citoyens ont été déposées au Ministère des affaires municipales (MAMROT) à propos de la conformité de ce processus de scrutin.

Christine Belley
résidente de Lévis

NB : Comment  expliquer le faible taux de participation? Désintéressement général  ou totale confiance en nos représentants pour faire des choix à notre place? Il s’explique plus simplement. Des quelques citoyens qui ont vu passer l’avis du 6 juin dans le dédale des pages d’avis en petit caractère du cahier municipal (moi je ne l’ai pas vu), bien peu ont compris ce qu’il signifiait, à part les rares familiers avec le jargon urbanistique et quelques dizaines de citoyens inquiets qui ont appris sur le tas, ces dernières années, en suivant de près les avis de démolition du Vieux-Lévis.

Si on le traduit en termes simples, l’avis incluait une information qui ressemble à ceci :

–         Un nouveau plan de zonage s’apprête à être adopté mais il doit être soumis à votre approbation, au préalable.

–         Entre autres mesures, il décrètera des marges de recul à zéro permettant des constructions de forte densité d’occupation dans les 12 noyaux traditionnels du territoire (RV-2011-11-23 – grilles de spécifications)

(Seulement 4% du territoire total mais ces quartiers sont parmi les plus densément peuplés. Il permettra et encouragera de nouvelles constructions envahissantes et irrespectueuses pour les résidents actuels des quartiers anciens et sans respect pour la trame traditionnelle de ces quartiers. Et plus lucratives pour les promoteurs, parce qu’il sera beaucoup plus avantageux de démolir l’ancien et récupérer le terrain pour construire du « forte densité d’occupation »…ceci est la lecture que beaucoup de citoyens en font, parce qu’ils le vivent déjà).

–         Si vous n’être pas en accord avec certaines mesures de ce nouveau plan, venez signer les registres et si vous êtes 1740 et plus, il y aura un référendum suite auquel nous pourrons réviser ce plan pour le rendre plus conforme à ce que vous souhaitez comme avenir pour votre quartier.

Si vous faites partie de ceux qui ont vu passer cet avis public, aviez-vous compris ce qu’il impliquait comme choix de société pour votre milieu de vie? Si vous l’aviez su, seriez-vous allés voter?

Les 12 noyaux traditionnels de Lévis sont énumérés comme suit par le plan d’urbanisme :

RV-2011-11-22 – Planification du territoire 1.2.6 –  page 31 – Extrait:

« De nos jours, cette richesse historique se traduit par la présence de douze noyaux traditionnels (Vieux-Breakeyville, Vieux-Charny, Vieux-Lauzon, Vieux- Lévis, Vieux-Saint-David-de l’Auberivière, Vieux-Saint-Étienne-de-Lauzon, Vieux-Saint-Jean-Chrysostome, Vieux-Pintendre, Vieux-Saint-Rédempteur, Vieux-Saint-Romuald, ainsi que le village de Saint-Nicolas et le secteur dela Traverse), … »

Finalement, on dirait que ça concerne pas mal de monde, contrairement à ce qu’a laissé entendre Maître Pierre Laurin, avocat représentant la Ville lors des audiences devant la Commission Municipale du Québec en mars dernier, suite à l’opposition de citoyens au nouveau plan d’urbanisme. À la fin de l’audience, concernant le coût en argent d’une révision de certaines parties du plan, tel que demandé par des citoyens, il avait conclu ainsi: « Après tout, ça ne représente que 4 % du territoire, ça ne vaut même pas la peine d’en parler ».

Il avait omis de préciser que ce 4 % faisait partie des quartiers les plus densément peuplés du territoire de Lévis. Et que ces 12 noyaux traditionnels, incluant des milliers de bâtiments anciens qui les composent, ou les entourent, font partie des grandes concentrations de patrimoine ancien du Québec. Ailleurs, on prend soin de son patrimoine identitaire pour moins que ça (nous, on se paie des vacances pour aller visiter le patrimoine identitaire des autres).

Développer ne veut pas toujours dire détruire. Il peut vouloir dire mettre en valeur. C’est ce qui s’est passé avec le quartier Le Petit-Champlain, lequel était voué à la démolition, placardé et envahi par les pigeons à la fin des années 70 (aujourd’hui : 1,5 millions de visiteurs chaque année et patrimoine mondial de l’Unesco. On le doit à deux citoyens têtus,  persévérants et «chercheurs de poux»).

Plusieurs de ces noyaux traditionnels représentent de larges fenêtres ouvertes sur le fleuve Saint-Laurent. On comprend l’intérêt qu’ils suscitent auprès des promoteurs immobiliers avec leurs complexes de condos avec vue. On comprend les enjeux.

p.s. Pour ce qui est des « vraies informations » dont parlait la mairesse et que certains citoyens auraient manquées parce qu’ils étaient absents de la séance du conseil du 3 juillet, disons qu’ils en ont une bonne idée puisqu’ils ont dû étudier le plan d’urbanisme pendant plusieurs semaines afin d’élaborer la demande d’avis de conformité à la Commission Municipale du Québec, en février dernier. Quand on parle de désinformation…

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